BOBW souhaite mettre à l’honneur les métiers du merchandising mais surtout les personnes derrière ces métiers. Chaque mois, nous revenons donc sur un métier différent, à travers le portrait d’une personne de notre équipe.
Après avoir rencontré le co-gérant et directeur de la fabrication, Jérémy, c’est au tour de son binôme et directeur artistique, Aurélien. Il nous parle de son amour du rap, de son parcours d’autodidacte et des spécificités du directeur artistique dans le merch.
Que fait concrètement un directeur artistique ?
En tant que directeur artistique, je dois gérer l’offre que l’on propose à l’artiste, en faisant en sorte que ce soit dans l’air du temps et en accord avec ses inspirations, dans le cadre de la vente de son merchandising et des précommandes de son album. Plus largement, je pilote l’image de BOBW à travers la communication visuelle et non-visuelle.
Qui sont tes principaux interlocuteurs ?
Mon premier interlocuteur c’est Jéremy, car c’est à travers lui que l’on matérialise tout ce que l’on propose en digital : ma proposition ne reste qu’une proposition avant d’être entre ses mains. Ensuite Alan, avec qui on travaille sur les sites internet, puis Mattis, qui me seconde totalement sur le design et pour finir Ellianie sur toute la communication de l’entreprise. À l’extérieur de la société, évidemment, les clients, donc les chefs de projets et managers, mais surtout les artistes.
Pour toi, quelles sont les différences majeures entre un designer et un designer de merchandising ?
Lorsque tu es designer de merchandising, tu es designer dans une certaine niche qui est la musique, et encore plus pour notre entreprise car elle possède un ADN hip-hop. De plus, on ne fait pas de visuel publicitaire, de flyers, d’affichage, tout ce que l’on réalise est destiné à être posé sur des vêtements ou des goodies. Ce n’est pas la même manière de travailler.
Quel est le parcours que tu as effectué pour faire ce métier ?
Tout commence par ma passion pour le rap. À l’âge de 12 ans, j’ai été touché par La Concubine de l’hémoglobine de MC Solaar, puis par NTM et j’ai directement voulu faire partie de cette culture. Encore aujourd’hui, lorsque j’aime quelque chose, je veux le vivre à fond.
J’ai commencé par la danse, mais cela a duré 2 mois et j’ai vite compris que ce n’était pas pour moi (rires). Puis j’ai voulu rapper, donc j’ai appris à écrire des textes, et comme les Face B étaient difficiles à trouver à l’époque, j’ai appris à faire des instrumentales pour pouvoir rapper dessus. Je me suis enlisé dans tout ça. Jusqu’en 2011, j’ai fait mon chemin dans la musique. Je rappais et j’étais producteur pour des américains, notamment pour Infamous Mobb. J’ai ensuite vécu une période difficile de ma vie et j’ai su me relever en grande partie grâce à Woodlife.
Woodlife est ma première marque. Initialement, c’était une marque de bijoux en bois qui a été portée par des grands rappeurs français et distribuée chez Colette et Citadium. Après les bijoux, développer du textile m’est venu naturellement, car ayant grandi en banlieue et étant passionné de hip-hop, c’est forcément quelque chose auquel je prêtais attention. Notre style, qui est devenu banal aujourd’hui, ne l’était pas auparavant. Nous étions vu comme des marginaux. J’ai pris du temps à m’investir sur le prêt-à-porter car, déjà en 2011, j’avais l’impression que le marché était bouché.
Au début, mon niveau sur Illustrator était très faible, donc je demandais à mon ami qui réalisait mes covers de mixtapes, Fifou, de m’aider sur ça. Mais comme à mon habitude, je ne voulais pas être dépendant, donc j’ai appris à créer mes propres designs. Je suis un “autodidacte fou” : j’ai envie de tout apprendre et d’être maître de ce que je fais. Donc finalement créer du textile et des marques de vêtements pour des rappeurs réunit mes deux passions : le rap et les vêtements.
D’ailleurs, je n’aurais jamais deviné que le rap allait devenir la nouvelle variété. Finalement, être issu de cette culture nous donne un avantage avec Jérémy, car nous parlons le même langage que les artistes sur le devant de la scène.
Est-ce qu’un jour, tu aimerais te relancer dans le rap ou le beatmaking ?
L’idée m’est déjà venue plusieurs fois, mais c’est important pour moi de me concentrer et de ne plus essayer de tout faire en même temps. Plusieurs fois, j’ai pensé que ce serait plaisant de participer à un projet musical au-delà du design et du merchandising, surtout quand on voit que comme c’est plus simple aujourd’hui. Je suis certain que si j’avais continué, j’aurais une place quelque part dans l’industrie musicale. Mais je n’ai aucun regret, d’abord, car je n’ai pas le temps pour les regrets (rires), mais surtout parce que tout ce que j’ai fait m’a mené là où je suis.
Et finalement, j’apprécie énormément la place que j’ai aujourd’hui, un peu en retrait. De plus, je compense quelques aspects de la vie d’artiste par d’autres biais. Avec YouTube, par exemple, la partie qui a envie de représenter quelque chose et d’inspirer est totalement nourrie. Actuellement, je pense avoir trouvé mon équilibre.
D’après toi, quelles sont les qualités essentielles pour être un bon DA ?
Être impliqué dans la culture dans laquelle tu travailles, mais aussi savoir ce qui se fait ailleurs, surtout outre atlantique. Tu peux comprendre et appréhender toutes les tendances en regardant vers les Etats-Unis. Il faut être tellement submergé par des choses inspirantes qu’on ne ressent plus le besoin de réellement faire de la veille.
Pour être un bon DA, il faut forcément avoir la fibre artistique, être plus sensible que les autres, donc percevoir les choses différemment des autres.
Quels conseils donnerais-tu à un jeune graphiste qui voudrait se lancer dans l’univers du textile ?
Le plus important finalement, ce n’est pas la manière dont tu maîtrises le logiciel mais c’est la vision que tu as sur un design, comment tu vas le placer sur le vêtement et comment tu vas le présenter. Tu peux être un excellent graphiste, mais cela ne fera pas de toi un excellent graphiste dans un domaine précis.
Je ne suis pas le meilleur graphiste, je ne suis pas celui qui maîtrise le mieux les outils et je ne suis pas le plus rapide sur Illustrator ou Photoshop. Je suis autodidacte, j’ai appris les choses à ma manière, mais lorsque j’ai une idée en tête, j’arrive à la matérialiser sur l’outil.
Je pense que ce qui compte, c’est la passion. C’est la locomotive de tout ce que tu fais. Personnellement, le rap est ce qui m’a mené là, alors que beaucoup de mes proches ne comprenaient pas mon engouement.
Qu’est-ce que tu as vu en Jérémy qui t’as donné envie de monter une entreprise avec lui ?
En développant Woodlife, je cherchais des boutiques prêtes à vendre une ou plusieurs collections. J’ai donc envoyé une offre à un magasin qui a été mythique jusqu’à sa fermeture, Colette. Ils m’ont répondu 4 minutes plus tard en m’annonçant qu’ils souhaitaient commander la collection, mais à l’époque je ne m’y connaissais pas beaucoup donc j’avais besoin d’aide pour les livrer rapidement.
Il faut savoir que je crois au destin. Je pense que tout arrive pour une raison et que lorsque l’on reste droit, peu importe la situation, on est toujours récompensé d’une certaine manière. La personne qui devait m’aider à livrer Colette n’a pas été très honnête avec moi, mais c’est grâce à cela et à une multitude de péripéties que j’ai rencontré Jérémy Jaoui.
Avant même de voir ce que l’on pouvait construire ensemble, j’ai eu un coup de cœur humain. Nous étions comme des enfants, nous aimions simplement passer du temps ensemble et jouer à la console. Nous sommes similaires sur énormément de points, comme notre manière de penser, nos valeurs et nos références. Et nous avons seulement 7 jours de d’écart.
En réalité, c’était logique. L’un cherchait de ce que l’autre avait. Je savais faire du design et il savait faire de la production. Nous avions tout, sauf l’audience, que nous avons rouvé chez les artistes.
Woodlife est une marque encore présente dans ta vie, est-ce que tu peux nous en parler, ainsi que des autres marques maisons de BOBW ?
Nous avons trois marques maisons, et Woodlife est la plus ancienne des trois. C’est aussi celle qui a eu le plus de succès, surtout auprès des barbus hipsters. Nous travaillons actuellement sur un renouveau total de la marque. Nous avons conscience qu’elle représente quelque chose pour beaucoup. D’ailleurs, certains se sont tatoué le logo, ce n’est pas rien.
Ensuite, un jour, en revenant de vacances, je soumets à Jérémy le nom “Nous contre Eux” pour une marque. Nous l’avons réservé rapidement et nous sommes partie sur une marque slogan. L’objectif était de passer un message à travers des vêtements. En fait, chacun peut avoir sa définition de “Nous contre Eux”. La marque a été portée par Booba, Gato Da Bato, Médine et nous prévoyons aussi une nouvelle collection.
Et enfin, With Attitude, c’est notre “marque de merch”. Elle s’appelait avant El Chapo, et nous ne vendions que des casquettes de détournement. Aujourd’hui, c’est un peu un fourre-tout de toutes nos idées. Woodlife et Nous contre Eux ont deux identités fortes donc lorsque l’on souhaite s’exprimer plus librement, on part sur With Attitude. Dernièrement, nous avons sorti la capsule Tweet Caps notamment avec une casquette à l’effigie de Nispey Hussle.
Comment et pourquoi tu as décidé de te mettre en avant sur Instagram et YouTube ?
D’abord, par envie, mais aussi par stratégie. Le problème lorsque l’on développe des marques ou du merchandising pour un artiste, c’est que l’audience de la marque ou de l’artiste, reste sur ce projet, et ne peut pas réellement être transférée sur un autre. Donc me mettre en avant, c’est m’assurer que l’audience peut me suivre sur toutes mes activités.
C’est sur les conseils de mon ami Sidi que j’ai commencé à poster mon travail. J’ai directement pu constater, grâce aux retours que j’ai eu, que les activités et le quotidien d’un designer suscitait de l’intérêt.
L’idée de la chaîne YouTube vient de mon ami Fodé, avec qui je travaille depuis toujours. Je lui racontais comment étaient nés les pulls de Noël d’Alkpote et il m’a simplement conseillé d’ouvrir une chaîne YouTube pour raconter cette histoire, ce que j’ai fait juste après. En commençant, je ne me rendais pas compte que les vidéos mettant aussi en avant le travail de Best of Both Worlds et pas juste ma vie de designer. Les vidéos YouTube sont un bon moyen de promotion. Je parle de ce que j’aime, de ce que je fais et j’explique comment et pourquoi je l’ai fait. Cela ne peut pas être reproduit. C’est l’un des plus gros projets sur lesquels nous travaillons avec Ellianie.
D’où te vient ce nom que tu utilises sur les réseaux “Babtou With Attitude” ?
“Babtou With Attitude” est le nom de mon premier projet solo rap. J’ai toujours aimé détourner des choses et je trouvais le jeu de mot drôle et percutant. Il représente aussi ce que je suis car je pense que je connais plus de classiques hip-hop que de classiques de la variété française, en partie parce que mon père est italien donc ce n’est pas ce que nous écoutions à la maison.
L’utilisation du mot “babtou” représente aussi la manière dont j’ai grandi, avec beaucoup de sénégalais, de comoriens, de maghrébins, et la place que j’avais en tant que blanc passionné de rap dans mon quartier. Il représente aussi ma génération. Le seul inconvénient est de se faire appeler “babtou” au lieu de mon prénom.
Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier ?
C’est drôle, mais ce que je préfère maintenant, ce sont les moments qui étaient les plus stressants avant. Au début, la société n’était pas du tout connue, donc ce qui faisait la différence entre nous et d’autres prestataires, c’était le design et comment nous présentions nos idées. Aujourd’hui, c’est toujours important mais il y a aussi nos références qui parlent pour nous. Ce n’est plus le seul élément déterminant, donc je prends plus de plaisir à travailler sur un nouveau projet et à présenter des idées à un nouveau client.
Mes propositions sont pensées, étudiées, réfléchies pendant des jours, parfois des semaines et ce que je préfère, c’est avoir l’avis de l’artiste quand il découvre mon travail. La créativité, c’est mon meilleur atout.
Par exemple, le merchandising de Menace Santana est un des merchs que j’ai préféré proposer. Il sortait son premier album, donc nous partions quasiment de zéro visuellement. Je l’ai amené sur une inspiration “horreur des années 80”. Tout le monde n’était pas d’accord au début, mais j’étais très content de ma proposition et elle a beaucoup plu à l’artiste et au public.
J’aime aussi voir les personnes qui commandent sur nos boutiques. Pour Laylow, il y avait plus de 14 000 commandes et c’est seulement au concert que j’ai compris qui était son public et à quoi il ressemblait.
Quelles sont les difficultés que tu peux rencontrer dans ton métier ?
Ce qui peut être frustrant, c’est de devoir produire un visuel pour un artiste, mais d’avoir le retour d’un intermédiaire (chef de projet, manager) qui ne prend pas la peine de montrer notre proposition à l’artiste. Je pense que la personne la plus à même de comprendre un artiste est un autre artiste. Par expérience, je sais que lorsque j’interagis directement avec l’artiste, tout se passe de manière beaucoup plus fluide. De plus, je constate que le merchandising a une mauvaise image en France à cause du manque de qualité proposé auparavant, donc c’est important d’arriver avec une qualité, des références et une attitude qui rassurent. Mais évidemment, je ne veux pas refaire le système et je respecte le choix des équipes.
Sinon, les tâches les plus compliquées pour moi concernent tout ce qui sort de l’artistique et qui est totalement opposé à ma personnalité, comme l’administratif, mais je le fais car je sais que c’est nécessaire.
Quels sont tes coups de cœur en termes de merch ?
Je trouve que le merchandising féminin à l’étranger est très intéressant. J’ai beaucoup apprécié les merchs de Cardi B, la collaboration entre Saweetie et Mc Donald’s ou encore le merch de Rosalia.
Concernant les merchs que j’ai testé en vidéo YouTube il y a The Marathon Clothing ou Golf et pour ceux que j’ai réalisé il y a celui de Luv Resval, d’Alkpote ou de Seth Gueko, par exemple.
Qu’est-ce que tu aimes écouter pour te donner de l’énergie au bureau ?
The Infamous de Mobb Deep ou Or Noir (Edition Deluxe) de Kaaris.
Quelle est ta plus belle anecdote à propos de ton aventure chez BOBW ?
On en a beaucoup, mais l’une des plus drôles, c’est qu’à l’époque nous devions réaliser un merchandising Première Consultation pour Doc Gynéco, qui ne s’est finalement jamais fait pour des raisons de droits. À ce moment-là, Doc Gynéco, qui travaillait chez TPMP, nous a demandé de venir lui donner quelques produits pour qu’il puisse les porter sur le plateau. Évidemment, en plus des produits, nous avons amené quelques t-shirts Nous contre Eux.
Une fois arrivés, nous avons été accompagnés dans une loge avec des boissons et de la nourriture. Nous nous sommes aperçus que notre loge était collée à celle de l’invité du jour, Jean-Claude VanDamme. Nous sommes assez sociables, donc nous nous sommes approchés de sa loge pour échanger avec lui. Nous lui avons offert des t-shirts, et il nous a demandé si nous voulions prendre une photo lui portant un de nos t-shirts, à condition de ne pas la poster sur les réseaux sociaux. Nous lui avons expliqué que, étant propriétaires de la marque, il est tout à fait normal que l’on veuille poster des photos promotionnelles. Il accepte finalement et cette photo est devenue emblématique sur notre compte Instagram. Nous avons eu tellement de réactions et l’histoire était tellement rocambolesque que c’est devenu l’un de mes meilleurs souvenirs. Il ne me manque plus qu’une photo avec Sylvester Stallone et je pourrais mourir en paix (rires).
Pour retrouver Aurélien :