Nous sommes très fiers et très heureux de vous présenter “Métiers du Merch”. Nous souhaitons mettre à l’honneur les métiers du merchandising mais surtout les personnes derrière ces métiers. Chaque mois, nous reviendrons donc sur un métier différent, à travers le portrait d’une personne de notre équipe.
Pour notre première interview, rencontrez Jérémy, co-gérant et directeur de la fabrication, qui nous parle de son parcours dans l’industrie du textile et des enjeux de son métier actuel.
Que fait concrètement un directeur de la fabrication ?
La fabrication est un domaine assez vaste, surtout dans notre métier [le merchandising] car il y a la fabrication simple, mais aussi de la fabrication à la demande. L’une de nos forces, est de pouvoir s’adapter à la demande des clients et de pouvoir fabriquer en fonction des volumes générés sur nos différents stores.
Mon travail à ce niveau-là, c’est de m’assurer, qu’on ait toujours du stock pour alimenter les clients en marchandise, que ce soit en vêtement ou en impression, de réaliser des prototypes, de les faire valider aux artistes et de gérer le planning de production en essayant de fluidifier l’activité à l’atelier. Je dois m’assurer que l’on respecte le cahier des charges du client et qu’il ait bien sa marchandise en temps et en heure, particulièrement dans le cadre d’une vente d’album où le timing est super important parce que les ventes réalisées sont comptabilisées à partir du moment où la commande est expédiée.
Qui sont tes principaux interlocuteurs ?
Je fais en quelque sorte le lien entre l’atelier, donc l’équipe qui va “fabriquer” les t-shirts, et le design. Je prends l’information du design pour ensuite les synthétiser et les transmettre à l’atelier. Et j’interviens aussi sur les extractions de ventes avec Alan qui administre les ventes web.
Quel parcours as-tu effectué pour devenir fabricant ?
C’est une très bonne question, parce que justement, je ne sais pas si c’était initialement une vocation pour moi.
J’ai commencé dans le prêt-à-porter, j’étais commercial sur le nord et l’ouest de la France pour la marque Von Dutch (peut-être que les plus jeunes ne connaissent pas). Je devais présenter et vendre des collections à des boutiques, puis la marque s’occupait de les fabriquer. À cette époque-là, je trouvais déjà que les délais étaient très longs, entre le moment où la commande était passée et la livraison. On pouvait présenter une collection qui était super pour une saison mais les livraisons s’effectuaient 3 à 6 mois plus tard. Au final on avait une collection qui était moins en phase avec la tendance.
Donc quelque temps plus tard, je suis partie de Von Dutch avec pour projet de monter ma société, ce que j’ai fait en 2008. Mon ambition était d’une part, d’avoir mon propre atelier de fabrication en France, parce qu’en général tous les ateliers de fabrication étaient en Asie, et d’autre part, de pouvoir proposer une solution avec des délais de fabrication très courts, tout en gardant une approche mode et non publicitaire. Malheureusement, la même année, il y a eu la crise des subprimes, donc personne ne me connaissait et le business tournait au ralenti. Je me suis retrouvé avec des machines que je ne maîtrisais pas très bien, parce que ce n’est pas mon métier, des boutiques qui ne voulaient pas travailler avec moi et un investissement assez important dont des crédits. À ce moment-là, j’ai eu l’opportunité de travailler pour le promotionnel, donc exactement ce que je ne voulais pas faire, mais j’ai pu tenir environ 6 ou 7 ans en me formant sur les machines et en apportant ma touche mode à des demandes plus corporate.
Cette galère m’a permis de bien maîtriser tous les tenants et les aboutissants du métier. Tant sur le qualitatif, que sur le quantitatif. Et c’est aussi à cette époque que j’ai développé le système “on demand” car je voulais proposer une multitude de modèles sans avoir de stock car je n’avais pas les moyens d’en avoir.
Tu dis que ce n’était pas une vocation pour toi mais tu as ce projet de société assez tôt :
En vérité, c’est surtout une approche business. Les vêtements et la mode m’ont toujours fait rêver et je trouvais ça fou de pouvoir créer son propre t-shirt en fonction de ses idées. Mais je n’étais pas quelqu’un de très technique, j’ai plutôt un profil business et commercial et c’est cette approche qui m’a mené sur le fait de proposer des délais de fabrication courts et de remplir des boutiques vides. La fabrication était en fait le moyen d’y arriver.
D’après toi, quelles sont les qualités essentielles d’un directeur de fabrication ?
Dans notre domaine, c’est qu’il ne faut justement pas rester bloqué sur sa spécialité, il faut prendre des informations mais les intégrer, s’en imprégner et comprendre la démarche du projet, ce que l’on fait beaucoup avec le service design. Il faut aussi que l’application du design se fasse aisément, pour que les prix restent concurrentiels.
Ensuite, je dirais qu’il faut avoir l’œil, être méticuleux sur les détails, être rigoureux et s’adapter à ses outils. L’objectif est d’avoir le résultat le plus proche du souhait du client, tout en gardant une certaine faisabilité technique.
Comment ça a cliqué avec Aurélien et pourquoi vouloir se lancer avec lui ?
Aurélien faisait fabriquer sa marque Woodlife dans ma société qui s’appelait Ywear. En fait, on était tellement potes qu’il fallait qu’on partage une aventure forte ensemble et pas qu’on soit seulement client/fournisseur. Notre volonté était de réussir un business ensemble et d’être chacun épanoui dans nos domaines respectifs. Lui était excellent en design et direction artistique et moi en business et fabrication, on se disait que ça ne pouvait que marcher. Mais sincèrement, ce qu’on fait aujourd’hui c’est vraiment un concours de circonstances. Quand on a monté notre boîte, notre projet n’était pas de faire du merchandising pour des artistes ou des influenceurs, notre projet était plutôt d’exploiter nos compétences.
Entre nous, ça matchait professionnellement mais ça matchait encore plus amicalement, on était potes avant tout. Et encore aujourd’hui, on se laisse une latitude sur nos domaines de compétences. Je sais que je ne préempterais jamais sur son domaine et il ne préemptera jamais sur le mien, et il y a une confiance aveugle entre nous deux. Avant lui, j’avais toujours entrepris seul, mis à part ma famille qui m’a accompagné tout le long bien sûr. Mais c’était dur, je ressentais une certaine solitude à tout gérer seul. Là je sais qu’il répond présent quand je peux pas l’être et qu’on peut se backer. Aurel m’apporte une certaine sagesse et une cool-attitude, ce qui me permet d’être un peu moins dur et exigeant avec les autres et avec moi-même. Donc on est aussi complémentaires dans le travail que dans nos personnalités.
Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier ?
J’aime les beaux tours de force, c’est-à-dire, le fait d’arriver à faire quelque chose qui sur le papier paraît impossible. Depuis la création de BOBW nous avons pu en faire la démonstration plus d’une fois (rires). Ça contribue à prouver à des structures comme des maisons de disques ou des multinationales qu’avec nos moyens de petite structure, on est capable de grandes choses. C’est à ce moment-là que tu te démarques. Parce que des gens qui print bien des t-shirts, ce n’est pas rare, donc quand on arrive à nous distinguer, c’est ce qui me fait vibrer. Notre plus grand tour de force reste, d’avoir pu en 3 ans, rendre Best of Both Worlds un des acteurs principaux dans la fabrication de merch pour les artistes urbains.
Et évidemment, le projet sur lequel on bosse ensemble, qui sortira en fin d’année, c’est ce genre de choses qui me fait vibrer, complètement.
Quelles difficultés rencontres-tu au quotidien ?
Principalement la constance car peu importe ton état physique ou mental, tu dois répondre aux besoins des clients. Une des règles de BOBW c’est qu’on est fiable. BOBW ne te plante pas un D2C, BOBW ne te plante pas un délai, ça n’arrive pas. En tout cas ça n’est jamais arrivé, et on remercie le ciel car on a déjà eu très chaud. Mais c’est un autre point qui nous permet de nous différencier. Donc c’est une source de stress et tout ne dépend pas de toi car tu dois composer avec les différents acteurs : les fournisseurs, les transporteurs et aussi le personnel. Et cette rigueur et cette obligation de résultat, tu peux l’imposer à toi-même, mais tu peux moins l’imposer à ton personnel et à ton entourage. De plus, quand tu démarres de zéro, tu as moins de solutions de repli. Tu ne peux pas aller pleurer dans les jupes de ta mère, c’est toi et tes problèmes.
Quels sont tes coups de cœur en merch ?
J’ai beaucoup aimé le merch Tombolo ! J’étais trop fier d’Aurel sur la partie créative. Sinon, j’ai aimé le merch de ZZCC, même si ce n’est pas quelque chose que je porterai car j’en connais la signification, j’ai aimé le contraste entre un produit stylé et un peu fou. Il y a Luv Resval, Médine aussi, mais vraiment dans les derniers merch, Tombolo c’est mon coup de cœur.
Qu’est-ce que tu écoutes pour te donner de la force au bureau ?
Pour me mettre en mode concentration, j’écoute l’album 100% de Ginuwine, qui est produit par Timbaland. C’est un album que je connais par cœur.
Quelle est ta plus belle anecdote dans ton aventure Best of Both Worlds ?
Je pense qu’il y aura encore pleins de belles anecdotes à l’avenir mais il y en a une qui me vient. Depuis que je connais Aurel, tous les vendredis soirs il est passé à la maison. On couche femmes et enfants et on joue à la console jusqu’à pas d’heure, mais on a toujours une petite pause clip. Un jour, on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas un vendredi sans au moins une pièce à nous dans un clip sorti le jour même.
Mais en vérité, aujourd’hui, je suis fier de la globalité. On a plus les mêmes objectifs et on est totalement satisfaits de la tournure que prend BOBW. D’ailleurs je suis tellement content de pouvoir recruter quelqu’un pour autre chose de la fabrication. Je suis fier de voir qu’on est 10 personnes maintenant quand on regarde Netflix à midi, ou de voir que notre parking est plein, tant que j’ai ma place bien sûr (rires). Quand tu démarres une entreprise tu es hyper fier de dire que tu es entrepreneur, mais aujourd’hui ce n’est pas ça qui me rend fier. C’est plutôt de voir notre équipe réunie et de voir tout le monde qui s’entend bien. Parce que le reste c’est que de la bagarre, avec les concurrents, les clients et les fournisseurs. Par contre, ton équipe c’est comme chez toi, il faut de la sérénité et de l’union. Et bien sûr, c’est beau de voir que ton équipe a envie de défourailler ça.
Mais d’ailleurs, c’est quoi les objectifs de la société aujourd’hui ?
Comme tu le sais, ça bouge beaucoup ici et les idées vont vite. Au même titre qu’on aime se donner les moyens de faire des beaux tours de force pour nos clients, on aime bien nous l’imposer à nous même. Là, le principal objectif est de pérenniser l’activité, développer de nouveaux outils à mettre au service de nos clients et aussi notre fameux projet de fin d’année, à suivre donc…
Pour retrouver Jérémy :